De nombreuses manifestations dans toute la France commémorent ce mois-ci les 10 ans de la Loi du 4 mars 2002, souvent présentée comme une avancée sociale majeure pour les patients. Mais tout le monde n’a pas le cœur à fêter l’anniversaire de la Loi Kouchner. Les victimes témoignent, au travers des associations. Télécharger le communiqué de presse
En novembre dernier, Delphine, 37 ans, a perdu en appel dans le procès qu’elle a intenté contre deux laboratoires et son médecin. Elle doit aujourd’hui prendre en charge les frais des parties adverses, ainsi que les siens, pour un total d’environ 10 000 euros.
Victime d’un syndrome de Lyell*, une réaction médicamenteuse cutanée gravissime qui l’a laissée aveugle en 1981, à l’âge de 6 ans, Delphine bénéficie alors d’un délai de prescription de 30 ans pour demander réparation. Entre temps, la loi Kouchner, tout en créant un fonds d’indemnisation pour les victimes d’accidents médicaux survenus après septembre 2001, réduit leur délai de prescription pour demander réparation à 10 ans et laisse se mettre en place un amalgame terrible sur les délais s’appliquant aux victimes d’accidents médicamenteux antérieurs à 2001. Delphine vient ainsi d’être déboutée au motif d’un délai prescrit et doit maintenant se battre, malgré son handicap, avec un mari à l’hôpital et deux enfant à charge, contre le surendettement. Pour elle, la « Loi sur le droit des malades » est synonyme d’une perte de droit et d’une aggravation dramatique de sa situation.
Des centaines d’autres victimes de médicaments sont, comme elle, privées du bénéfice de la solidarité nationale, parce que leur accident est survenu avant le 4 septembre 2001, date rétroactive maximale autorisée pour accéder au processus d’indemnisation mis en place par la loi du 4 mars 2002. Parallèlement, la loi du 19 Mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, votée quatre ans plus tôt par les mêmes parlementaires, s’applique, elle, sans limite de rétroactivité et a spolié de leur droits antérieurs toutes ces victimes, en réduisant notamment à trois ans le délai de prescription pour faire jouer la responsabilité d’un fabricant de médicament. Parce qu’elles sont victimes d’accidents médicamenteux gravissimes mais (heureusement ?) rares, qui n’ont pas l’honneur, comme pour le Mediator, de faire la une des médias, Delphine et les autres ne bénéficient plus d’aucun recours pour être indemnisées.
Au lendemain du scandale du Médiator qui a laissé de larges zones d’ombres sur la sécurité sanitaire en France, la FNATH et Amalyste appellent de leurs vœux une meilleure prise en compte des victimes encore trop nombreuses aujourd’hui. Et tout particulièrement pour les victimes d’avant 2001. Pour elles, la question est désormais de savoir si nos politiques auront le courage de réparer cette injustice.
QUI SOMMES-NOUS ?
La FNATH, association des accidentés de la vie, a été créée en 1921 pour défendre les droits des victimes d’accidents au travail. Elle est aujourd’hui l’association de défense de tous les accidentés de la vie, des malades, invalides et handicapés. Forte de près de 200.000 adhérents et de leur solidarité, l’association lutte au quotidien pour améliorer la vie des accidentés, des handicapés, des malades, et pour qu’ils soient reconnus et traités en citoyens à part entière.
La FNATH est une association à but non lucratif, indépendante de tous les pouvoirs. Elle est reconnue d’utilité publique.
AMALYSTE est l’association des victimes des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson. Ces syndromes sont des réactions indésirables gravissimes aux medicaments. iIs sont le plus souvent connus et acceptés en raison de leur extrême rareté. Parce que ce risque est accepté au titre d’une balance bénéfices-risques estimée positive, les victimes ne peuvent que rarement accéder à l’indemnisation. En tant que maladie rare, la prise en charge est à ce jour encore balbutiante. AMALYSTE a pour objet de questionner les pouvoirs publics, l’industrie pharmaceutique, le corps médical et le grand public sur la responsabilité liée au risque connu et accepté d’accidents médicamenteux rares et graves.
* Les syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson sont des réactions graves (30 % de décès) qui provoquent un décollement brutal et parfois étendu de la peau et des muqueuses. 90% des cas sont des réactions médicamenteuses. Une douzaine de molécules à risque élevé a été identifiée (antibiotiques, anti inflammatoires, anti épileptiques, allopurinol, névirapine).
C’est une maladie orpheline : 150 cas par an en France, un millier dans l’Union européenne.
C’est également une maladie chronique : 95 % des survivants gardent des séquelles invalidantes et évolutives, qui bouleversent leur vie.