Gestion du risque sanitaire
- Le risque de Lyell et de Stevens-Johnson médicamenteux est souvent connu et accepté des autorités de santé pour les médicaments les plus à risque.
- La mention du risque sur les notices des médicaments est peu appropriée et insuffisamment informative pour les patients (elle se cantonne à une description clinique de la pathologie).
- La notification de ces réactions aux réseaux de pharmacovigilance est déficiente (1 cas sur 2 en moyenne).
- La balance bénéfices-risques des médicaments responsables est très rarement révisée, même lorsque la prévalence du risque est très élevée. Certains médicaments voient même leur indications étendues (ex : indications de la lamotrigine étendues aux troubles bipolaires en 2008).
La recherche
Historique
Lors de la première description détaillée de la nécrolyse épidermique (Lyell 1956), les causes médicamenteuses étaient suspectées mais les mécanismes totalement mystérieux. Dans les 50 ans qui ont suivi les progrès ont été lents, avec beaucoup de fausses pistes, mais au bout du compte des progrès très significatifs ont été obtenus, dont on peut attendre qu’ils débouchent à court terme sur des traitements efficaces.
PRINCIPAUX RÉSULTATS
Le mécanisme de la destruction des couches superficielles de la peau (épiderme) et des muqueuses (épithéliums) est maintenant élucidé. Cette destruction est provoqué par des lymphocytes « tueurs » de la victime qui agissent avec la même violence que dans le rejet d’un organisme étranger (agent infectieux ou tissu greffé). Elle est surtout due à la libération d’un « poison » violent (cytokine) : la granulysine. Ces cellules tueuses sont « spécifiques » du médicament responsable et n’agissent qu’en sa présence sur leurs cibles. Tout ce passe comme si un épithélium était reconnu comme « étranger » en présence du médicament inducteur.
Le mécanisme par lequel un médicament induit une telle réponse immunitaire reste en grande partie incompris. Cela est en tout cas très différent de ce qui se passe dans les allergies médicamenteuses bénignes. Ce sujet est au cœur des recherches actuelles, surtout dirigées vers les interactions du médicament avec les 2 « acteurs » clés de l’immunité : groupe HLA et récepteur des lymphocytes T.
Il reste également à comprendre pourquoi seuls les épithéliums sont touchés.
Ces résultats ont déjà des conséquences thérapeutiques.
En Asie du Sud-est la nécrolyse épidermique à la carbamazépine (anticomitial) ne frappe que des personnes (heureusement une minorité) porteuses d’un groupe HLA particulier (B*15:02). La pratique de test HLA avant la prescription de carbamazepine a fait disparaitre cette cause de NE à Taiwan où elle était la plus fréquente. Malheureusement cette association n’a pas été retrouvée ailleurs qu’en Asie du Sud-est.
Plusieurs essais thérapeutiques sont en cours avec des médicaments capables d’inhiber la libération ou l’action de la granulysine.
Organisation actuelle
- Limitations
- Difficultés d’obtenir des financements pour des maladies considérées comme trop rares
- Pas assez d’implication des fabricants de médicaments.
RECHERCHE CLINIQUE
- En France autour du Centre de référence Toxibul,
- En Europe : groupe multinational RegiSCAR, épidémiologie, causes médicamenteuses, pronostic, banque de prélèvements pouvant servir à des projets de recherche
- Ailleurs : centres de brûlés aux USA, Japon, Taiwan, Singapour
RECHERCHE FONDAMENTALE
- Pas d’organisation centralisée
- Projets ponctuels à Taiwan, en France, au Japon (mécanismes immunologiques, génétiques)
Enjeux et perspectives
Les objectifs communs d’Amalyste et du Centre de référence Toxibul sont de :
- réduire le risque et la gravité de la nécrolyse épidermique toxique,
- améliorer les prises en charge médicales et sociales des séquelles
Ce qui suppose de se fixer les objectifs suivants :
1) Découvrir des tests préventifs (les résultats négatifs jusqu’à présent en dehors de Taiwan ne doivent pas décourager)
2) Trouver un traitement spécifique de la phase aiguë. Les pistes existent et cela devrait être obtenu en quelques années
3) Dés maintenant
- Réduire la prescription des médicaments à « haut-risque » aux seuls cas où ils sont indispensables et irremplaçables
- Assurer un diagnostic plus précoce
- Transfert plus précoce dans un centre expert
- Continuer d’améliorer les traitements symptomatiques
- Faire assurer par la sécurité sociale la prise en charge du coût des soins médicaux des séquelles (yeux, dents, peau…)
- Comprendre les mécanismes des séquelles
- Trouver des traitements aux séquelles
4) Remettre à plat les mécanismes inefficaces de compensation par l’ONIAM
Constat
- Une maladie aussi rare nécessite une collaboration à l’échelle internationale. La construction d’un réseau international de centres experts permettrait des avancées beaucoup plus rapides de la recherche clinique, en particulier thérapeutique.
- Les objectifs listés ci dessous impliquent des recherches extrêmement couteuses. Dans les dernières années les entreprises qui commercialisent des médicaments à « haut-risque » n’ont investi de façon importante que sur la recherche en pharmacogénétique, qui n’est un moyen parmi d’autres et pas forcément le plus prometteur.Colloque international sur les syndromes de Lyell et Stevens-Johnson des 28 et 29 août 2021
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Publications
- Lyell A. toxic epidermal necrolysis : an eruption resembling scalsding of the skin. Br J Dermatol 1956;68:355-61.
- Guillaume JC, Roujeau JC, Revuz J, Penso D, Touraine R. The culprit drugs in 87 cases of toxic epidermal necrolysis (Lyell’s syndrome). Arch Dermatol. 1987 Sep;123(9):1166-70.
- Revuz J, Roujeau JC, Guillaume JC, Penso D, Touraine R. Treatment of toxic epidermal necrolysis. Créteil’s experience. Arch Dermatol. 1987 Sep;123(9):1156-8.
- Bastuji-Garin S, Rzany B, Stern RS et al. A clinical classification of cases of toxic epidermal necrolysis, Stevens-Johnson syndrome and erythema multiforme. Arch Dermatol 1993;129:92-6.
- Roujeau JC, Kelly JP, Naldi L. et al. Medication use and the risk of Stevens-Johnson syndrome or toxic epidermal necrolysis. N Engl J Med. 1995;333:1600-7.
- Bastuji-Garin S, Fouchard N, Bertocchi M, Roujeau JC, Revuz J, Wolkenstein P. SCORTEN: a severity-of-illness score for toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol. 2000;115:149-53
- Auquier-Dunant A, Mockenhaupt M, Naldi L et al C; SCAR Study Group. Severe Cutaneous Adverse Reactions. Correlations between clinical patterns and causes of erythema multiforme majus, Stevens-Johnson syndrome, and toxic epidermal necrolysis: results of an international prospective study. Arch Dermatol. 2002 ;138 :1019-24.
- Nassif A, Bensussan A, Dorothée G et al. Drug specific cytotoxic T-cells in the skin lesions of a patient with toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol. 2002;118:728-33.
- Chung WH, Hung SI, Hong HS, et al. A marker for Stevens-Johnson syndrome. Nature 2004;248:486.
- Mockenhaupt M, Viboud C, Dunant A. et al. Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis: assessment of medication risks with emphasis on recently marketed drugs. The EuroSCAR-study. J Invest Dermatol. 2008;128:35-44.
- Chung WH, Hung SI, Yang JY, et al. Granulysin is a key mediator for disseminated keratinocyte death in Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis. Nat Med 2008;14:1343-50.
- Sassolas B, Haddad C, Mockenhaupt M et al. ALDEN, an algorithm for assessment of drug causality in Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis:comparison with case-control analysis. Clin Pharmacol Ther 2010;88:60-8.
- Genin E, Schumacher M, Roujeau JC et al. Genome-wide association study of Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis in Europe. Orphanet J Rare Dis. 2011 Jul 29;6:52.
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- Ostrov DA, Grant BJ, Pompeu YA et al. Drug hypersensitivity caused by alteration of the MHC-presented self-peptide repertoire. Proc Natl Acad Sci USA. 2012;109:9959-64
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