AMALYSTE, PRESCRIRE et le LEEM débattent dans un article de l’Humanité de la dangerosité des médicaments :
Rappel des faits Scandales sanitaires à répétition, retraits ou remises sur le marché d’anciens médicaments, suspicions sur certains vaccins… Peut-on encore faire confiance aux produits thérapeutiques ? Comment réduire au maximum leurs effets indésirables graves ? Faut-il moins ou mieux les prescrire ?
Scandales Distilbène®, Vioxx®, Mediator®, suspicions sur les pilules de 3e et 4e génération, plaintes contre le vaccin du cancer du col de l’utérus Gardasil… comment connaître les risques potentiels des traitements proposés et les évaluer en toute connaissance de cause en fonction des bénéfices attendus ? Quelles doivent être les responsabilités des pouvoirs publics, des industries pharmaceutiques, des médecins, des pharmaciens dans ce processus ? L’Humanité fait le point avec une association de victimes d’effets indésirables graves de médicaments (Amalyste®), le président des entreprises du médicament (Leem®) et le directeur de la revue indépendante Prescrire.
Vaccins ou médicaments, régulièrement les médias se font l’écho d’effets secondaires graves de produits pharmaceutiques : exagèrent-ils ou est-ce que, de façon globale, les médicaments devraient être moins ou mieux prescrits par les médecins ?
Bruno Toussaint. Il y a peu d’études du nombre de victimes des médicaments. On estime que le nombre de morts est d’environ 18 000 par an en France. Environ 5 % des personnes qui sont hospitalisées le sont à cause d’un médicament. Les effets qu’on dit « secondaires » sont en fait souvent très importants. Certains médicaments devraient être moins utilisés, voire pas du tout ; et beaucoup de médicaments devraient être mieux utilisés. Il est bénéfique que les médias grand public publient une information davantage critique sur les médicaments.
Sophie Le Pallec. Les effets secondaires des médicaments, comme tous les ratés de la médecine en général, sont de moins en moins tabous et obtiennent l’attention des médias. Les citoyens découvrent que les produits de santé, qui sont censés les guérir, peuvent aussi avoir l’effet inverse. Il est effectivement choquant de découvrir, comme dans le cas du Mediator®, que la balance bénéfices-risques du produit était dès le départ infiniment négative et que des données incriminantes ont été potentiellement dissimulées. Cependant, il y a aussi tous ces médicaments dont le rapport bénéfices-risques est positif en théorie pour des pathologies graves, mais dont les indications ont été étendues au fur et à mesure à des pathologies bénignes, et qui, au final, aboutissent à un rapport bénéfices-risques tangent. Sans compter les aléas thérapeutiques, où le médicament, correctement prescrit, fini par tuer plutôt que guérir le malade. Ces accidents-là sont largement sous-évalués et constituent pourtant la majorité des effets indésirables graves. Une majeure partie de ces effets serait pourtant évitable. Mais c’est un enjeu complexe qui relèverait d’une volonté politique et sociétale forte, responsabilisant l’ensemble des acteurs. De cela, les médias parlent peu.
Patrick Errard. Les médicaments sont des produits actifs. À ce titre, ils sont susceptibles de présenter des effets secondaires plus ou moins graves. Ces effets sont documentés, analysés, mis en balance avec les bénéfices thérapeutiques de chaque médicament, et sont portés à la connaissance des prescripteurs et des patients, notamment au travers de la notice contenue dans la boîte.
Cependant, les études menées en amont de la commercialisation ne permettent pas forcément de détecter des événements qui ne surviendront qu’avec le temps, ou à l’échelle d’une population beaucoup plus vaste. C’est pourquoi, dans la vie réelle, certains effets secondaires non prévus peuvent malheureusement apparaître. Ces effets demeurent extrêmement rares, mais il est vrai qu’ils sont davantage médiatisés, car notre perception des risques est aujourd’hui plus aiguë qu’elle ne l’était par le passé, et les circuits d’information se sont multipliés. Enfin, les effets secondaires graves ne sont pas toujours liés au produit lui-même, mais peuvent être dus à certaines associations médicamenteuses, à un mauvais usage, ou encore à la variabilité individuelle d’un patient à la survenue d’effets secondaires. Il est donc important que le médecin en tienne compte lorsqu’il établit une prescription.